TMS : plusieurs pays... un seul compte   

Holo Suite réunit les œuvres de jeunes artistes qui viennent tout juste d’obtenir leur Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique. La sortie de l’École Supérieure d’Art Dunkerque/Tourcoing les situent sur un point de bascule de leur parcours artistique : les voilà désormais à la croisée de l’expérimentation et de la professionnalisation. Or ce moment si particulier entre en résonance avec le triptyque conceptuel qui innerve l’exposition. 

Holo Suite propose une exploration de mondes, réels et imaginés, et une réflexion sur les notions d’immersion, d’époque, et de nouveauté.

Holo Suite s’appuie sur trois références qui se répondent et enrichissent la thématique générale.

• Il convient tout d’abord de lire, dans son intitulé même, une référence à ce fantasme technologique dont on trouve une réalisation dans l’univers fictionnel de Star Trek : il y va, avec l’holosuite, d’une salle équipée de manière à pouvoir générer des environnements holographiques et rendre ainsi possible une immersion totale au sein de mondes simulés de manière on ne peut plus réaliste, à des fins d’entraînement aussi bien que de divertissement. Cette référence est ici une métaphore des œuvres exposées, qui jouent elles aussi avec des constructions immersives : des mondes qui interrogent notre perception, nos récits, et nos modes d’interaction avec le réel.

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Parallèlement, Holo Suite fait écho aux questionnements portant sur la caractérisation de l’époque où nous nous trouvons : nous sommes censés vivre encore dans cette ère géologique qui a débuté il y a 11 500 ans, à la fin de la période glaciaire, et que l’on a baptisé “Holocène”, pour faire entendre par là qu’il s’agit d’une époque “entièrement nouvelle”. L’’émergence du concept d’Anthropocène — désignant une époque où l’humain serait devenu la force géologique dominante — nous invite à interroger notre époque actuelle, ses mutations, et le sens qu’il y aurait à se vivre dans une époque qui serait toujours “entièrement nouvelle”. Les artistes de cette exposition s’inscrivent dans cette tension et la difficulté que nous éprouvons à négocier un passage à une nouvelle ère : comment penser l’inédit, l’inconfort du changement, et la nécessité de s’orienter dans un monde en transition ?

• Enfin, l’exposition se saisit, comme d’un prisme, d’une citation de Gaston Bachelard qui, dans L’Air et les songes, nous rappelle que “la valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréole imaginaire. Grâce à l’imaginaire, l’imagination est essentiellement ouverte, évasive. Elle est, dans le psychisme humain, l’expérience même de l’ouverture, l’expérience même de la nouveauté”. La question qui traverse Holo Suite pourrait donc être formulée ainsi : comment faire suite au nouveau, comment y répondre, comment  accueillir l’inédit et  entretenir avec lui une conversation vivante ?

À l’intersection de ces trois idées, Holo Suite invite à explorer les récits, les environnements et les objets que cette nouvelle génération d’artistes propose, interrogeant nos mondes actuels, les projections qui les prolongent, et les imaginaires qui nous permettent d’en réinventer les contours. C’est une invitation à la fois critique et poétique à penser le passage, le seuil, et la continuité.

Cyril Crignon, docteur en philosophie et enseignant à l'Esä.