Réalisé par Mathias MLEKUZ - France 2024 1h29mn - avec Philippe Rebbot, Mathias Mlekuz, le chien Lucky… et toute humanité connue et inconnue glanée sur leur passage... Scénario de Mathias Mlekuz et Philippe Rebbot.
Du 26/02/25 au 01/04/25

Forcément, le titre évoque un air guilleret ! Yves Montand en train de vanter le coup de pédale de la fille du facteur, Paulette. Celle qui y mettait du cœur ! Et il y a un peu de cela (même beaucoup !) dans cette fort jolie parenthèse à deux roues. Nous voilà embarqués sur les chemins de la nostalgie mélancolique mais réjouie, prêts à nous sentir pousser des ailes pour retrouver fleurs et papillons, bouquets de violettes sur les chemins de traverse. Sans crier gare, nous voilà rois et reines de la pédale, dans un étonnant pèlerinage clownesque, drôlatique, diablement touchant… Une leçon de résilience, de vie, un aller simple vers la lumière.
Pourtant à lire le « pitch », ce n’était pas gagné d’avance. C’est sur les traces d’un disparu, le jeune fils du réalisateur, que ce road movie nous kidnappe… On y rit beaucoup, hilares jusqu’aux larmes, qui ne sont pas toujours de joie, mais souvent de tendresse ou d’émotion. Comme dirait le regretté Desproges, il faut se moquer de tout, même de la camarde, car du reste, cette dernière se gêne-t-elle pour se rire de nous ? Il y aura dans ce périple, qui va de l’Atlantique à la Mer Noire, de La Rochelle à Istanbul, toute la beauté des paysages, mais surtout celle de l’amitié, celle de l’amour d’un père pour son fils, pour ses fils… Car, plus qu’une histoire individuelle, c’est une histoire de tribu, de meute, même si on ne perçoit cette dernière qu’en filigrane. C’est donc une grande famille constituée de bric et de broc, qui se réunit pour un dernier adieu à Youri, le fils disparu, en même temps qu’un jovial au revoir au duo (un trio en fait, si on compte le chien Lucky) cycliste improbable : Mathias Mlekuz et Philippe Rebbot. L’idée pour les deux amis, à l’amitié vieille comme mes robes, est de refaire le parcours qu’avait fait Youri à bicyclette il y a cinq ans, avant de tirer définitivement sa révérence…
Les voilà donc partis, propulsés par les vivats joyeux des copains, nos vaillants chevaliers du vélocipède, nos vétérans de la rigolade. Partis pour un road movie improbable, sur les pas du passé qu’on ne peut rattraper. Et il faut dire que cette équipée paye de mine ! Tandis qu’ils enfourchent leurs vélos respectifs (sauf Lucky qui se laisse benoitement transporter), on ne peut s’empêcher de rire et de penser que l’un n’irait pas sans l’autre, comme Laurel ne vaudrait rien sans Hardy. Deux inoxydables, inénarrables, inaltérables sur la toile comme dans la vie, qui ont pris l’humour à perpétuité… Ils savent bien l’un et l’autre que rien n’est gagné et combien l’idée est saugrenue, avec leurs allures d’anti-athlètes, les alléchantes poignées d’amour de l’un, Mathias Mlekuz, les poumons encrassés par la clope de l’autre, Philippe Rebbot, dont la descente de gosier fait merveille à chaque arrêt… Chacun se livre sans fard, assumant ses failles, ses addictions, ses fragilités. C’est terriblement humain, terriblement libérateur. Cela force le respect, tout comme les regards d’amour inconditionnels de Lucky pour ces bipèdes qui s’enlisent parfois sur leur parcours, au sens propre comme au figuré…
Quelle est la part de la fiction sur la trame documentaire et même autobiographique ? Qu’importe ! C’est un film qui ne ressemble qu’à lui, qu’à eux… Revigorant, un antidote à la bêtise, à la normalisation. Et quand le générique de fin apparaît, on n’a franchement plus envie de quitter ces deux compères. On a envie d’enfourcher un vélo à notre tour pour poursuivre la rencontre… D’aller prendre l’apéro en philosopho-poilant avec eux !